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馃摪 Le Fil | 脌 quoi ressemble Londres quatre ans apr猫s le Brexit ?

Communaut茅s emlyon alumni

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28/03/2025

Voir l'article original en anglais dans le magazine Le Fil #5

Depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), Londres connaît un exode de ressortissants européens. La capitale anglaise n’en reste pas moins une terre d’avenir, comme en attestent certains de ses plus fidèles admirateurs.


Le 23 juin 2016, 51,9 % des Britanniques ont voté en faveur d’une sortie de l’UE lors du référendum sur l’adhésion du Royaume-Uni. Un résultat qui a provoqué une onde de choc et d’incrédulité chez les Européens ayant depuis longtemps posé leurs valises à Londres. Luc Julia (PGE98), directeur au sein de la Mizuho Bank, arrivé en 1998 dans le cadre d’une CSNE chez Crédit Agricole Indosuez, Muriel Girard-Périchon (MBA83), fondatrice de LearnArtory, et Olivier Marret (PGE95), associé chez Valtus UK, qui s’est installé définitivement en 2009 après une première expérience de 1996 à 1998, parlent d’un « choc », d’une « claque », ou encore d’un sentiment de « trahison ». « Cela faisait 14 ans que nous vivions à Londres : nos deux enfants y étaient scolarisés, et nous débutions les travaux pour construire notre maison... Juste après le Brexit, nous avions peur d’être contraints de partir », se souvient Muriel.


Méandres administratifs 

« Sur le plan professionnel, le Brexit n’a pas eu d’effet immédiat sur mes équipes, bien qu’elles soient très internationales. C’est après décembre 2020 que la situation s’est compliquée, avec le durcissement de l’obligation de visa », déclare Olivier, qui dirigeait alors la filiale britannique de Puig, un groupe spécialisé dans les parfums et les produits cosmétiques. « Après le vote de juin 2016, on a connu deux années d’incertitude, sans règles claires. Puis les statuts de résident provisoire et de résident permanent1 ont été créés afin de permettre aux ressortissants européens vivant au Royaume-Uni de rester après l’entrée en vigueur du Brexit le 1er janvier 2021 », explique Jérôme Foucaud (PGE08), directeur chez Globeleq, qui a demandé et obtenu la nationalité britannique, tout comme Olivier et Muriel. « C’est la meilleure décision que nous ayons prise pour notre famille avec mon mari, même si cette démarche a nécessité du temps et de l’argent », affirme Muriel. « Grâce à la double nationalité, nous pouvons aller et venir librement des deux côtés de la Manche. » Luc et sa femme, qui ont obtenu le statut de résident permanent sans difficulté, n’ont pas encore sauté le pas : « Je me sens profondément français. J’ai vécu le Brexit comme un rejet brutal, c’est pourquoi je n’ai pas souhaité prendre la nationalité britannique. Maintenant que le choc est passé, nous l’envisageons sérieusement. » Pas de double nationalité, mais pas de problème non plus pour Charlotte Berlioz (MS14), qui travaille dans le secteur du luxe à Londres (Guerlain, Louis Vuitton, Stella McCartney, Coty) depuis 2016 : elle a obtenu le statut de résident provisoire, puis de résident permanent, qui lui convient.

Pour les nouveaux venus, les choses se corsent : un visa est obligatoire. Il existe plusieurs types de visa : de travail, d’études, etc. « Le visa de travailleur qualifié est le plus facile à obtenir, sous réserve de remplir des conditions strictes : être parrainé par l’employeur, posséder les compétences requises et percevoir un certain niveau de salaire (plus de 38 700 £ par an). C’est une simple formalité pour les professionnels expérimentés, mais pour les stagiaires, les jeunes diplômés ou les travailleurs non qualifiés, un visa est quasiment impossible à obtenir. Ils ne remplissent pas les conditions, et les employeurs ne sont pas disposés à payer un parrainage coûteux chaque année pour eux », précise Jérôme. Autre population durement touchée par le Brexit, les étudiants européens qui, outre les problèmes de visa, pâtissent de l’envolée des frais de scolarité. « Dans les universités britanniques, ils paient désormais les mêmes frais que les autres étudiants étrangers. Avant, une année d’études en premier cycle coûtait 9 250 £ ; aujourd’hui, les frais peuvent aller jusqu’à 25 000 £, voire 38 000 £, selon l’établissement », fait remarquer Muriel. Sans compter que le programme Erasmus a été aboli. De fait, le nombre d’étudiants européens au Royaume-Uni a été divisé par deux ces dernières années.



« Pour les stagiaires, les jeunes diplômés ou les travailleurs non qualifiés, un visa est quasiment impossible à obtenir. »



Le parcours du combattant 


Le parcours de Benoit Dubief (PGE19) illustre une grande partie des difficultés de l’après-Brexit. Après avoir effectué un stage d’été chez Facebook à Dublin en 2018, il a intégré l’Imperial College pour suivre un troisième programme de master en parallèle de celui d’emlyon : « Malgré le Brexit, je n’ai eu aucun problème pour venir étudier à Londres car l’ancien régime était encore en vigueur. À la fin de l’année universitaire 2019, j’ai débuté ma carrière chez Meta EMEA à Dublin, sans bénéficier du statut de résident provisoire auquel je pouvais prétendre. » C’est en mai 2021, lorsque Benoit a été embauché par McKinsey à Londres, que la course d’obstacles administratifs a commencé. McKinsey a payé une aide juridique qui l’a orienté vers un visa de travailleur qualifié de trois ans, lié à et financé par son employeur. En septembre 2022, il a entamé un MBA à la Saïd Business School de l’Université d’Oxford, au sein de la prestigieuse faculté Christ Church. Cette incroyable expérience s’est accompagnée d’une nouvelle embûche : son visa de travailleur qualifié n’était plus valable. Il a donc dû obtenir un visa d’étudiant de troisième cycle à ses frais, auquel se sont ajoutés les frais de scolarité colossaux de son MBA. De retour chez McKinsey en 2023, Benoit a, cette fois, décidé de prendre les choses en main. Il a épluché les textes de loi et y a trouvé un régime juridique bien utile : « Tous les résidents de l’UE vivant en concubinage avec un citoyen britannique dans un pays de l’UE depuis au minimum deux ans ont droit à une prolongation du délai du statut de résident provisoire. C’était mon cas, puisque ma concubine de nationalité franco-britannique et moi-même nous sommes installés ensemble à Dublin en 2019. » Benoit a ainsi obtenu le statut de résident provisoire avec effet rétroactif à l’issue de démarches fastidieuses, qui ont également épargné à son employeur le financement d’un nouveau visa de travailleur qualifié. Tout est bien qui finit bien !


Plusieurs vagues de départs 

Le Brexit a eu de multiples conséquences sur la vie quotidienne, qui ont été exacerbées par le COVID : « La réintroduction des contrôles douaniers a allongé les délais de livraison. Même si le Royaume-Uni fait toujours partie de l’espace Schengen, les camions peuvent être bloqués à Douvres. Un déménagement entre Londres et Paris nécessitait deux jours ; maintenant, il faut compter deux semaines », explique Muriel. « De temps en temps, nous subissons de petites pénuries de produits alimentaires (œufs, huile) et moins de produits frais sont disponibles, car les flux de marchandises ne sont pas totalement revenus à la normale », ajoute Jérôme. Le coût de la vie a augmenté à cause des produits de consommation, mais également de l’énergie, dont les prix affichent une hausse de plus de 20 %, les Britanniques n’ayant pas bénéficié d’un bouclier tarifaire comme en France. Cette augmentation nuit à la qualité de vie, notamment en termes de chauffage pendant les hivers froids. Si le service de santé public du Royaume-Uni (National Health Service, NHS) est gratuit et répond aux besoins médicaux essentiels, ses services sont de plus en plus saturés, tandis que le système de santé privé est excessivement cher. « Il faut attendre deux ans pour se faire opérer de la hanche... On a un système de santé à deux vitesses », déclare Olivier. Le logement n’est pas beaucoup plus abordable : « Une chambre en colocation dans le centre-ville de Londres peut coûter jusqu’à 1 000-1 200 £ par mois. Le prix de la carte de transport est passé de 100 à 140 £ depuis mon arrivée », détaille Charlotte.

De nombreux résidents français de longue date ont ainsi décidé de partir, et leurs jeunes remplaçants ne sont jamais arrivés. Muriel, dont la société LearnArtory propose des visites culturelles et artistiques de Londres en anglais et en français, recense désormais principalement des clients anglophones. « Avant le COVID, j’étais bénévole au sein de l’association Londres Accueil, destinée aux Français vivant à Londres ; elle compte aujourd’hui 500 membres, contre 980 en 2016. » Même constat au lycée français Charles de Gaulle : « Il y a dix ans, c’était extrêmement difficile d’y inscrire son enfant ; aujourd’hui, l’école organise des journées portes ouvertes pour attirer des élèves, et elle accepte même ceux de langue maternelle anglaise. »


Secteurs et entreprises touchés 

Conséquence de cet exode, certains secteurs se heurtent à une pénurie de main-d’œuvre. « D’un côté, les entreprises du secteur tertiaire qui recherchent des compétences spécialisées (dans le conseil, la finance, la tech) se délocalisent et créent des filiales dans l’UE pour recruter », analyse Jérôme. « De l’autre côté, les secteurs « cols bleus » qui recouraient à des travailleurs immigrés faiblement rémunérés pour des emplois non qualifiés (ouvriers, chauffeurs, personnel d’entretien) ont perdu leur main-d’œuvre. L’hôtellerie et la restauration sont particulièrement touchés : au vu de la pénurie, la rémunération du personnel augmente. Dans le même temps, les employeurs subissent l’inflation sur les produits alimentaires. » Le prix s’en ressent sur la note. « Le secteur financier s’est délocalisé, notamment à Paris, mais la City et Canary Wharf fourmillent toujours d’offres d’emploi ; les fonds spéculatifs y poussent comme des champignons. Dans la tech, aussi bien les start-ups que les géants comme Google et Amazon recrutent. Le secteur médical est tout aussi dynamique », explique Charlotte. « Le secteur du luxe est un peu mal en point : les consommateurs ont d’autres priorités. Les Londoniens plus fortunés prennent l’Eurostar pour faire les boutiques à Paris et bénéficier de la détaxe, ce qui nous pénalise. » Pour Valtus, chef de file de la gestion intérimaire, le Brexit a eu un impact positif : « Avant, les filiales londoniennes se tournaient vers leur société mère pour trouver des expatriés et des contrats locaux », explique Olivier. « Maintenant que ces procédures sont beaucoup plus complexes et fastidieuses, et nécessitent souvent de recourir à des avocats, elles se tournent vers les gestionnaires d’intérim britanniques. » La situation dépend vraiment de l’activité : « Le secteur des programmes d’immersion linguistique, par exemple, pâtit fortement du Brexit : les parents européens envoient désormais leurs enfants à Dublin pour pratiquer l’anglais. »



« Le secteur financier s’est délocalisé, notamment à Paris, mais la City et Canary Wharf fourmillent toujours d’offres d’emploi. »


 

Une dynamique unique 

Pour ceux qui choisissent de rester, Londres regorge d’opportunités professionnelles intéressantes. Au début de sa carrière dans le luxe, Charlotte était ouverte à la possibilité de travailler à l’étranger. « Je me suis vite rendu compte qu’il était plus facile de trouver un emploi à Londres qu’ailleurs : les recruteurs sont plus ouverts. » Jérôme, qui est arrivé fin 2009 dans le cadre d’un programme pour hauts potentiels chez France Telecom, a trouvé un emploi au sein de la Royal Bank of Scotland (RBS), où il est resté dix ans avant d’intégrer Globeleq, un producteur d’énergie renouvelable en Afrique : « Les employeurs britanniques évaluent les candidats en fonction de leur expérience et de leurs compétences, plus que de leurs diplômes. Au Royaume-Uni, le marché du travail est très flexible : j’ai changé plusieurs fois de fonctions au sein de la RBS sans aucun problème. Dans mon secteur d’activité, Londres est source de beaucoup plus d’opportunités que Paris. » Luc rejoint son compatriote, lui qui a travaillé dans plusieurs banques de différentes nationalités : « Les banques japonaises et américaines implantées à Londres couvrent l’intégralité du marché, tandis que les succursales des banques françaises ne gèrent que les transactions locales. Ici, je travaille sur les transactions aussi bien nationales qu’internationales. » Cerise sur le gâteau, Londres n’est qu’à quelques encablures de Paris : « Si j’étais à New York, je ne pourrais pas me rendre en France entre cinq et dix fois par an. » Olivier met en avant le professionnalisme et l’agilité des Britanniques, qui travaillent dans le calme et de manière constructive. Il apprécie également le dynamisme de Londres, « sa résilience, héritée du Blitz, et sa détermination à aller de l’avant, enracinée dans le libéralisme. Bien entendu, la protection sociale est plus restreinte qu’en France, et la société est plus inégalitaire : c’est le revers de la médaille. » Il précise que Londres est toujours aussi attractive aux yeux du reste du monde (en dehors de l’UE) : « Les entreprises américaines la considèrent toujours comme un pôle majeur de la région EMOA, où l’anglais est répandu. »

De plus, la capitale anglaise accueille les entrepreneurs à bras ouverts. « Au Royaume-Uni, les démarches pour créer une entreprise sont très simples, y compris pour ouvrir un compte professionnel », déclare Muriel. Benoit, qui a fondé RightPick à Oxford, une application TikTok de recherche d’emploi dans le conseil, la tech et la finance assistée par l’IA en temps réel, est convaincu que c’est le meilleur endroit en Europe pour lancer une start-up : « Londres est une capitale trois fois plus accessible que Paris. C’est “the place to be” lorsqu’on est ambitieux en termes d’échelle et qu’on a l’outre-Atlantique en ligne de mire. »


London Forever 

En conclusion, Londres est une ville attractive, plébiscitée pour son caractère cosmopolite et son ouverture d’esprit. « C’est un peu New York, avec beaucoup d’espaces verts et de familles. Elle se distingue du reste de l’Angleterre », déclare Muriel en souriant. C’est également un endroit où il fait très bon vivre : « La vie culturelle est riche et accessible à tous : la plupart des musées sont gratuits, et on peut trouver des billets d’opéra ou de théâtre à 15 £ », explique Charlotte. Toutes les cuisines du monde y sont représentées, et l’on y trouve de nombreux restaurants étoilés. Les Londoniens sont tolérants : « Ils ne vous jugent pas sur votre apparence », déclare Jérôme. « Le fait de porter un voile ou un turban ne pose aucun problème ici. Chacun fait ce qu’il veut, à condition de ne pas empiéter sur l’espace des autres », ajoute Muriel. « Le respect est une valeur fondamentale : les communautés coexistent en paix », conclut Olivier. Il va de soi que Londres a toujours de sérieux atouts de séduction !

 

1- Les personnes vivant au Royaume-Uni depuis moins de cinq ans pouvaient demander le statut de résident provisoire, ultérieurement convertible en statut de résident permanent.


Le 22 janvier, un événement organisé par la communauté d’alumni d’emlyon à Londres s’est tenu au mythique Oxford and Cambridge Club grâce à Benoit Dubief (PGE19), également ancien étudiant d’Oxford. Ce fut l’occasion de présenter le nouveau campus de l’école à Lyon et de partager un moment convivial entre alumni vivant de l’autre côté de la Manche.


Le réseau d’alumni d’emlyon à Londres 

Coordonnée par quatre ambassadeurs bénévoles (Sarah Nsiri (PGE12), Olivier Marret (PGE95), Jérôme Foucaud (PGE08) et Charlotte Berlioz (MS14)), la communauté d’alumni d’emlyon à Londres compte près de 900 diplômés. Après le Brexit et le COVID, le nombre de membres s’est inscrit en baisse et la moyenne d’âge a augmenté, au fur et à mesure que l’afflux de jeunes diplômés s’est tari. « Pour être exact, le premier exode a été déclenché par la crise financière de 2009. Ensuite, le Brexit a mis un coup d’arrêt aux arrivées... et le COVID a accéléré les départs », analyse Jérôme Foucaud. Dans le même temps, la répartition par secteur du réseau de Londres s’est diversifiée : « En 2009, trois quarts des alumni travaillaient dans la finance ; aujourd’hui, il y a différents profils dans la tech, le luxe, la santé, etc. ». La communauté organise un événement chaque trimestre : « Il y a dix ans, nous rassemblions une centaine d’alumni ; aujourd’hui, c’est plutôt une cinquantaine. Notre taux d’engagement, qui est d’entre 5 et 8 %, est conforme à celui d’autres réseaux d’écoles de commerce françaises. »


Luc Julia (PGE98)

Mizuho Bank

Muriel Girard-Périchon (MBA83)

LearnArtory

Olivier Marret (PGE95)

Valtus UK

Jérôme Foucaud (PGE08)

Globeleq

Charlotte Berlioz (MS14)

Coty

Benoit Dubief (PGE19) 

McKinsey 

 

Voir l'article original en anglais dans le magazine Le Fil #5 

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